Jacques Ehrmann: «Entre e-commerce et commerce physique, la concurrence est déloyale» – L’Opinion

17.04.2019
Interviews

Mercredi, Bruno Le Maire a présenté son projet de taxation des géants du numérique. Jacques Ehrmann, qui s’exprime en tant que vice-président exécutif du Conseil National des Centres Commerciaux (CNCC) – il est par ailleurs PDG de la foncière de Carrefour, Carmila –, explique l’enjeu de cette mesure pour les centres commerciaux.

 

En quoi le CNCC est-il concerné par la taxation des GAFA ?
Les centres commerciaux représentent 25 % du commerce de détail en France. Le commerce physique et l’e-commerce font le même métier, mais la concurrence est aujourd’hui déloyale. Le premier est assujetti à 88 taxes qui ont rapporté 47 milliards d’euros à l’Etat français en 2017. La Tascom (taxe sur les surfaces commerciales de plus de 400 m2), par exemple, a augmenté de 600 % en 10 ans, pour atteindre 1,6 milliard d’euros. Amazon, leader de l’e-commerce avec 18 % de parts de marché en France n’y est pas assujetti, alors que ses entrepôts constituent des surfaces de vente. Amazon paye 8 millions d’euros d’impôt en France. De manière générale, les e-commerçants sont très peu taxés. Pourquoi ? Soit ils ne font pas de bénéfices. Soit, ils font en sorte de regrouper l’essentiel de leurs revenus sur des pays tiers où ils sont peu fiscalisés.

 

N’est-ce pas dépassé d’opposer commerce physique et e-commerce ?
Il n’y a pas d’opposition. Beaucoup de nos adhérents ont une activité d’e-commerce, et certains travaillent avec les GAFA. Nous nous élevons contre l’inégalité fiscale selon que le produit vendu passe par un magasin ou par un entrepôt et une livraison. Notre fiscalité est complètement obsolète car elle repose encore sur une taxation basée sur le foncier et non sur l’activité.
L’e-commerce a d’autres effets négatifs. D’abord sur l’emploi. A chiffre d’affaires égal, le commerce physique emploie quatre fois plus de personnes. Ensuite sur l’environnement. On nous demande de végétaliser les toitures des centres commerciaux et perméabiliser leurs parkings. En revanche, on n’impose rien au e-commerce qui livre 365 millions de colis suremballés par an, majoritairement en fourgonnettes. Selon une étude de Simon Property, l’impact environnemental d’un produit acheté en ligne est 25 fois celui d’un produit acheté en magasin.

 

Que pensez-vous alors de la taxe GAFA de Bruno Le Maire ?
C’est une première étape qui symbolise la fin de l’impunité fiscale des pure players de l’e-commerce en France. Mais on est loin du compte. Puisque l’e-commerce représente 10 % des parts de marché du commerce de détail, il devrait payer environ 5 milliards d’euros proportionnellement à ce que paye le commerce physique sur son chiffre d’affaires. Or la taxe GAFA ne rapportera, selon Bercy, que 400 à 500 millions d’euros dont probablement 100 pour les plateformes d’e-commerce. Ce devrait être 50 fois plus.

 

Est-ce dans l’air du temps de vouloir taxer plus ?
Ce n’est pas une question de taxer plus ou moins mais une question d’équité entre deux formes de commerce : à chiffre d’affaires égal, impôt égal. Si, en théorie, on ne créait pas de taxe GAFA, mais qu’on supprimait la Tascom, très bien. Souvenons-nous des débuts d’Airbnb en France. Des mesures ont été progressivement mises en place pour lui faire déclarer les revenus qu’il génère et rétablir ainsi une équité fiscale au sein du secteur hôtelier. Avec l’e-commerce, nous n’en sommes qu’au tout au début de cette histoire.

 

 

Source : L’Opinion – Article de Jade Grandin de l’Eprevier paru le 7 mars 2019

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