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03.06.2021
L'actualité du secteur

Ces trois qualités par lesquelles le changement se produit

L’édito de Jérôme Le Grelle, Mai 2021
 

Les défis à relever par le commerce sont maintenant bien connus. Le commerce physique peut se renouveler en devenant omnicanal,  en élevant son niveau de service et en ciblant précisément sa clientèle. En écho à cette modernisation, le centre commercial se doit de reconfigurer son offre, en devenant plus sélectif dans son choix d’enseignes. Il doit aussi être plus ouvert, et aller chercher de nouvelles activités non concurrentes ou complémentaires de l’e-commerce et capables de refonder son attractivité.

C’est peu ou prou l’analyse que fait Altarea Commerce, qui a entrepris de diversifier significativement l’offre de ses centres, en introduisant environ 10 % de baux dérogatoires, de durée  inférieure à trois ans et des mesures d’accompagnement pour des preneurs qui apportent une différenciation notable ou un service attractif, dans le domaine de la santé par exemple.

L’accompagnement consiste notamment en une part élevée de loyer variable et la prise en charge d’une partie des travaux d’agencement des locaux.

Cette évolution, loin d’être mineure, dénote trois qualités nécessaires pour s’adapter sur un marché en mutation.

La première est la capacité d’analyse. 
Elle débouche ici sur le constat que les enseignes ne se transforment pas toutes à la même vitesse, quel que soit leur historique, que d’autres acteurs peuvent trouver du sens à être présents dans un centre commercial et que les clients n’en seront que plus nombreux.

La seconde qualité est l’adaptation créative
Ces preneurs atypiques doivent être « dénichés » en marge des filières habituelles de commercialisation et accompagnés dans leur projet. 

La troisième est l’acceptation du risque
Puisqu’il s’agit souvent d’entreprises jeunes sinon naissantes, dont le succès n’est pas assuré.
 
 
 

Altarea Commerce, le rebond par le renouvellement de l’offre

Jérôme Le Grelle s’entretient avec Ludovic Castillo
 

La foncière d’Altarea a fait de longue date le choix de la diversité des formats de ses actifs. En ces temps tourmentés, c’est un atout indéniable. Elle poursuit d’ailleurs, à une échelle plus fine, la même stratégie : diversification du mix d’activités dans les centres, des formes de bail et des profils des locataires, des sources de revenus… Une évolution adaptative douce mais rapide, dont Ludovic Castillo, président d’Altarea Commerce, s’entretient avec Jérôme Le Grelle.

Jérôme Le Grelle 
Ludovic Castillo, je suis heureux d’échanger avec vous sur ce sujet qui me tient particulièrement à cœur : l’adaptation des foncières aux mutations du commerce. Nous savons qu’elles font face à des difficultés majeures et inédites, provoquant l’inquiétude des investisseurs habitués depuis de longues années à la fameuse résilience du commerce.  Aussi vais-je commencer par vous demander simplement comment va Altarea.  

Ludovic Castillo
Ce que je puis vous dire, c’est que nos centres ont conservé la fidélité de leurs clients parce qu’ils sont revenus en masse pour y consommer à chaque réouverture.  C’est  encourageant car notre rôle est bien de permettre à nos preneurs de réaliser du chiffre d’affaires. Il y a évidemment pas mal de facteurs à concilier : il faut que les clients puissent venir, que notre offre soit performante et que l’expérience d’achat soit positive du début à la fin, “sans couture” depuis la maison. Quand on parvient à résoudre cette équation, le rebond est au rendez-vous. . 

Nos clients en sont parfaitement conscients car nous avons retrouvé de très bons niveaux de commercialisation au cours des trois mois écoulés. Quand on se donne la peine de sortir des sentiers battus, c’est fou le nombre d’activités que l’on parvient à attirer, auxquelles on ne pensait pas auparavant, ou carrément nouvelles, ou dont on doutait qu’elles puissent gagner suffisamment d’argent pour payer un loyer. Nous avons beaucoup travaillé sur la diversification de notre mix, avec de nouvelles offres de restauration, mais aussi un tas de nouveautés autour de la maison, sans oublier la seconde main, et d’une manière générale toutes les activités qui ne peuvent pas se pratiquer sur internet, la santé par exemple.

 

Vous exprimez donc la conviction que l’activité des centres commerciaux va repartir moyennant l’introduction de nouvelles offres. Mais la crise actuelle n’a-t-elle pas des ressorts profonds appelant des changements plus structurels ? Pour faire un parallèle, on sait que l’irruption du télétravail réinterroge complètement l’organisation des entreprises, avec des conséquences directes sur la conception des bureaux, et par ricochet sur la filière de l’immobilier tertiaire. Que pensent vos clientes enseignes de l’évolution souhaitable des centres commerciaux ?

Ma propre vision des choses, en tout cas, est que ces ressorts dont vous parlez sont connus depuis longtemps. Le e-commerce, le click and collect, l’omnicanalité, la data, mais aussi les émissions de CO2, la pollution, la congestion des villes ne sont pas des nouveautés. Pourtant, un certain nombre d’enseignes, mais aussi de foncières, ne les ont pas suffisamment prises en compte, n’ont pas fait les investissements nécessaires pour coller aux attentes de leur clientèle et à ces enjeux sociétaux, adapter leur stratégie. Elles se sont laissé grignoter du chiffre d’affaires par des concurrents.  C’est le propre d’une crise que de rendre subitement obligatoires des changements qui n’étaient perçus jusqu’alors que comme de simples choix. On se rend compte aujourd’hui que les bouleversements qui ont suivi la guerre de 14-18 et la grippe espagnole étaient annoncés bien avant. Et aujourd’hui, il suffit de regarder les documentaires d’Arte, sur Amazon ou sur la fast fashion, pour se dire que les acquis de notre civilisation sont peut-être à reconsidérer. 


À des stades d’avancement inégaux, les enseignes sont quand même aujourd’hui mobilisées sur la digitalisation de leur activité. Quel doit être selon vous le rôle des foncières dans ce processus ?

 Nous sommes directement concernés dans la mesure où nos loyers dépendent des chiffres d’affaires réalisés dans nos centres. Si le tiers du chiffre d’affaires passe par le digital, cela peut avoir une incidence. Le sacro-saint ratio du taux d’effort sera amené à évoluer en considérant non pas seulement le chiffre d’affaires, mais l’intérêt que constitue pour l’enseigne sa présence physique dans le centre. Et il est loin d’être négligeable à partir du moment où le centre commercial est attractif. Aujourd’hui, on le mesure à la frustration que ressentent les clients de ne pas pouvoir s’y rendre, et on réalise qu’il y a énormément de choses qui ne peuvent se faire que physiquement : toucher, comparer, essayer, récupérer ses achats en click and collect… Et je ne parle pas de la restauration, on n’en peut plus des boîtes en carton, et tout le monde n’a pas envie de passer son temps à cuisiner. Mais il faut être clair, les gens vont continuer à faire certains achats sur internet et toutes les enseignes ne vont pas réussir à adapter leur offre pour tirer parti d’une présence en magasin. C’est pour cela que nous devons être vigilants dans nos choix de commercialisation, en favorisant les acteurs qui savent miser sur les nouvelles tendances de consommation et en les accompagnant. Il y a beaucoup de choses à faire dans l’alimentaire et la restauration  par exemple.  

Je vous rejoins sur le fait que l’attractivité d’un centre commercial repose d’abord sur son offre. Estimez-vous avoir une compréhension assez claire des mesures à prendre pour adapter cette offre ?

Une foncière doit savoir prendre le risque de soutenir l’innovation. Je n’ai jamais oublié cette anecdote que racontait un ancien président d’Espace Expansion, à propos de la première boulangerie Paul qu’il a installée dans un de ses centres. Quand le fabricant du four est arrivé pour le poser, c’est lui qui a fait le chèque parce que la trésorerie de Paul n’aurait pas suffi. La suite de l’histoire de Paul Le Boulanger, comme on disait alors – maintenant on dit simplement Paul parce qu’on sait bien qu’il est boulanger – je n’ai pas besoin de vous la raconter. C’est exactement notre stratégie. Nous allons chercher des indépendants dont le projet nous semble intéressant et nous les soutenons, y compris dans l’investissement s’il le faut, et à tout le moins en acceptant une part de loyer variable plus élevée. Et surtout, puisque ni eux ni nous ne sommes assurés de la réussite, nous signons des baux éphémères dérogatoires de moins de trois ans. En termes de loyers, on arrive à peu près au même résultat, voire à un niveau supérieur.

Voir l’interview dans son intégralité.

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