Promoteurs et commerçants doivent défendre ensemble le commerce physique

01.04.2019
L'actualité du secteur
Le Conseil national des centres commerciaux fête les 50 ans des premiers « malls » français. Son nouveau président veut unir bailleurs et locataires dans la défense du commerce physique.

Vous venez d’être élu président du Conseil national des centres commerciaux. Avez-vous le sentiment d’être à la tête de l’organisation professionnelle d’une industrie qui se trouve en déclin 50 ans après sa création ?

Le secteur des centres commerciaux n’a jamais fait preuve d’autant de créativité et d’innovation, en intégrant les nouveaux enjeux d’omnicanalité et les nouveaux modes de consommation. Les politiques, médias et même les investisseurs, tous faiseurs d’opinion, n’ont pas une bonne perception de notre activité. Le commerce physique compte beaucoup dans les territoires, dans ses fonctions à la fois économique et sociale. Dans une ville moyenne comme Angers ou La Rochelle, le centre commercial est accessible rapidement, en voiture ou en transport en commun. Je rappelle par ailleurs que 20 % des centres commerciaux sont implantés en centre-ville. Ce qui est révolu en revanche, c’est le temps des galeries marchandes en plein champs, car l’étalement urbain a rattrapé la périphérie.

La crise des « gilets jaunes » a-t-elle ébranlé les commerçants locataires de centres ?

La crise est arrivée au pire moment, celui des fêtes de fin d’année dont les bénéfices servent à passer les mois creux. On montre beaucoup les Champs-Elysées, mais bloquer deux ronds-points le samedi en région pénalise des dizaines d’enseignes, des centaines de salariés et des milliers de consommateurs. Le 17 novembre 2018, premier jour de manifestations, la fréquentation a chuté de 39 % ! Heureusement, les clients ont reporté, lorsque c’était possible, leurs achats aux dimanches, le 23 décembre, bien sûr, mais aussi en janvier et février, mois pendant lesquels les fréquentations ont affiché des hausses de 20 % à plus de 30 %. Nous demandons d’ailleurs au gouvernement d’assouplir la réglementation concernant les ouvertures dominicales.

Les centres commerciaux ont mauvaise réputation. Ils contribuent, disent leurs détracteurs, à la désertification des centres-villes…

Le grand commerce de périphérie a pu faire parfois de mauvaises choses il y a 25 ans. Mais ce ne sont pas les centres commerciaux implantés en périphérie qui ont poussé les habitants à quitter les centres-villes pour s’installer dans des maisons. Les services publics (hôpitaux, collèges, …) ont trop souvent déserté les centres-villes également. Les espaces disponibles pour le commerce en centre-ville sont par ailleurs trop petits pour certaines grandes enseignes. Aujourd’hui, nous soutenons les actions de relance du centre-ville et avons participé à la définition du Plan Action Coeur de ville dont nous sommes membres du Conseil d’Orientation. Nous soutenons la nomination de managers dédiés qui feront en centre-ville ce que nous faisons dans nos centres commerciaux, de la coordination et de l’animation. Nos adhérents promoteurs ont compris le « sens de l’histoire » et participent aux opérations de restructuration urbaine.

Quelle sera la ligne de votre action à la tête du CNCC ?

Je souhaite que l’on change la perception de notre organisation, voire même son nom. Je veux réaffirmer notre dimension paritaire. Nous sommes connus pour être l’émanation des foncières, à l’image de Carmila, la société que je dirige. Mais nos membres sont aussi des collectivités, des prestataires et, surtout, plus de 50 enseignes. J’entends me rapprocher des autres organisations de commerçants, l’Alliance du commerce (grands magasins, Monoprix, grandes enseignes de l’habillement, NDLR) et Procos (association des enseignes spécialisées). Nous devons arrêter de nous disputer sur ce qui nous divise, les loyers, mais nous rassembler autour d’une attractivité commune. Nous avons de nombreux combats communs à mener comme celui de l’équité fiscale et réglementaire avec les « pure-players » comme Amazon.

La taxe Gafa vous satisfait-elle ?

C’est une première étape. Mais l’objectif n’est pas seulement de compenser un impôt sur les sociétés qui n’est pas payé en France. Le combat consiste à  baisser la batterie de taxes qui pèse sur le commerce physique et à laquelle échappe l’e-commerce. La  Tascom porte sur les surfaces commerciales. Pourquoi Amazon ne la paierait pas sur ses entrepôts, alors qu’il s’agit bien de surfaces de prévente ? La question se pose aussi sur le financement de la collecte et du recyclage des déchets et des emballages que les cybermarchands font porter à leurs clients. Et que dire de l’impact social ? Le commerce digital emploie quatre fois moins d’employés que le commerce physique à chiffre d’affaires égal. S’il se substituait totalement au commerce physique, ce sont 2,5 millions d’emplois qui disparaîtraient. Plus généralement, la stratégie de certaines de ces places de marché relève du dumping pour tuer la concurrence et construire des positions dominantes pour les monétiser in fine.

Comment comptez-vous faire pour fédérer les commerçants autour de vous ?

Il faut, je le répète, mener des combats communs. Il faut aussi souligner les bonnes pratiques du secteur. Je crois à l’inverse au « name and shame ». Je m’engage à dénoncer publiquement au nom du CNCC des pratiques qui seraient abusives, chez nos membres mais aussi dans l’environnement de notre métier. Par exemple, il est scandaleux et dangereux que des projets dûment autorisés soient remis en cause, tel que celui de la Compagnie de Phalsbourg à Rennes dont le Président de la Métropole conteste aujourd’hui la légitimité. En revanche, nous devons faire savoir et partager les initiatives vertueuses pour notre écosystème, et il y en a beaucoup !

 

Philippe Bertrand

 

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